Pour l’article d’aujourd’hui, je voulais aborder le sujet des devis et des tarifs appliqués dans l’illustration car je sais que c’est un sujet qui vous intéresse beaucoup et sur lequel vous me posez régulièrement beaucoup de questions. Mais à la suite d’échanges avec vous, j’ai réalisé que le plus difficile n’était pas tant d’estimer le montant de vos prestations que de vous sentir suffisamment légitime à appliquer les tarifs du marché en vigueur.
En discutant avec certains de mes abonnés sur instagram, j’ai réalisé que la plupart avaient tendance à “brader” leurs prestations sous prétexte qu’ils débutent et qu’ils estiment ne pas avoir le même niveau qu’un illustrateur confirmé. C’est un argument recevable, mais le problème, c’est qu’en vendant leurs prestations à des tarifs bien en dessous du marché, ils desservent à la fois leur réputation, leurs finances et la profession toute entière.
C’est dommage de se “tirer une balle dans le pied” de cette manière, car bien souvent, c’est en arrêtant de se considérer comme un illustrateur débutant et en commençant à changer sa manière de se positionner face à ses clients, que ces derniers commencent à vous prendre au sérieux.
1 | Vos clients n’ont pas à savoir que vous débutez
Premièrement, il n’y a que vous qui savez que vous débutez dans le métier. Oui je sais, quand on est novice, on a l’impression d’avoir un panneau sur le front écrit “Débutant” en lettres lumineuses et que les clients peuvent le voir à 3 kms et ce même à travers votre écran. Faux ! À moins que vous ne l’explicitiez clairement sur votre site web ou à travers vos échanges avec vos clients, personne n’est censé savoir que vous débutez !
Un client a besoin de se sentir en confiance pour être en mesure de travailler sereinement avec vous. Imaginez-vous vous rendre dans un beau restaurant et que d’un coup le chef sorte de sa cuisine penaud pour vous annoncer que vous allez être son premier client, comment réagiriez-vous ? Est-ce que vous vous sentiriez en confiance ?
Probablement pas, et pourtant ce cuisinier a certainement suivi une formation qualifiée et réalisé ses recettes des dizaines de fois avant de vous les prooser. Alors pourquoi ne mériterait-il pas votre confiance sous prétexte qu’il débute sur le marché ?
Lorsqu’un client vous confie son projet, il place entre vos mains sa réputation et celle de sa marque. Il n’a pas envie de prendre de risques et encore moins d’avoir l’impression de servir de cobaye. Au contraire, il a besoin de sentir que son projet est entre de bonnes mains et que vous savez parfaitement ce que vous faites.
Avant toute chose, pour apprendre à appliquer les tarifs en vigueur, vous devez commencer par arrêter de vous dévaloriser et vous souvenir que même les illustrateurs que vous admirez le plus ont commencé au bas de l’échelle. On commence tous quelque part, et si vous lisez cet article c’est que vous êtes certainement passionnée par votre métier.
Vous avez peut-être fait des études ou vous êtes peut-être autodidacte ? Même si vous avez l’impression qu’il vous reste beaucoup à apprendre notamment sur la relation-client qui s’acquiert au fil des expériences, vous avez du talent et de la détermination et ce sont les deux qualités essentielles pour être illustrateur.trice. Ne laissez jamais vos doutes ou la parole d’une tierce personne décider de votre carrière.
2 | Elevez votre jeu
La qualité de vos illustrations
Afin d’être pris au sérieux et travailler pour les milieux les plus lucratifs, il y a certains points sur lesquels on ne peut pas déroger. Quelque soit votre niveau et votre style, aujourd’hui il est essentiel de savoir numériser ses illustrations, car tous les échanges se font via internet.
Si vous dessinez sur papier comme moi, il faut impérativement savoir comment scanner proprement vos dessins/peinture (300 dpi minimum), afin d’avoir un rendu bien net et ne perdre aucun détail. Je me souviens qu’à mes débuts, j’avais rencontré Michel Lagarde, de l’agence 002 et qu’en lui montrant l’une de mes illustrations sur papier, il m’a fait remarquer que le dessin était flou par endroit.
En tant que professionnel, Michel Lagarde a l’œil averti et c’est le genre de détail qui tue. Sa remarque a eu l’effet d’un électro-choc sur moi et après cela, j’ai toujours fait super attention à la qualité de mes scans et à la résolution de mes illustrations.
L’une de mes premières illustrations “mal scannée” à mes débuts en 2010. On voit que par endroit le dessin et l’aquarelle sont un peu flous.
Votre site internet
Votre site internet est comme le sas d’entrée d’une belle maison dans lequel tout est pensé pour mener votre client à passer à l’action. Il doit montrer tous les avantages que votre client aurait à travailler avec vous afin que vous deveniez le choix évident qui s’impose à lui.
Le plus dur est d’amener votre client potentiel sur votre site. Une fois arrivé sur votre page d’accueil, tout doit être pensé pour que votre client en prenne plein la vue : Mettez vos illustrations et vos photos en grand, et facilitez sa visite en lui donnant ce qu’il a envie de voir, à savoir vos dessins. Vos illustrations doivent apparaître dès la page d’accueil sans que ce dernier n’ait besoin de re-cliquer où que ce soit sous peine de le décourager.
Il n’est pas nécessaire d’engager un webdesigner si ce n’est pas dans vos priorités, WordPress permet par exemple de réaliser un site en quelques clics et des milliers de templates sont disponibles pour une personnalisation complète. Je vous conseille tout de même d’investir dans une URL personnalisée qui fera meilleure impression qu’un site se terminant par “wix.com” par exemple.
Aujourd’hui, vous pouvez trouver tout un tas de tutoriels sur le net pour réaliser un site à l’allure professionnel et agréable à visiter, alors je vous recommande d’en faire votre priorité si vous souhaitez être pris au sérieux par votre clientèle. Votre portfolio est comme une vitrine de magasin dans lequel vous devez donner à votre client l’envie d’entrer. Et vous n’avez qu’une seule occasion de faire une première bonne impression alors faites le bien ! 🙂
Des réseaux sociaux à jour
Selon Instagram, 80% des utilisateurs déclarent suivre au moins une entreprise sur l’application et 60% d’entre eux ont entendu parler d’un produit et d’un service via la plateforme. Par conséquent avoir un compte sur instagram est devenu indispensable pour les entreprises et le nombre d’utilisateurs sur la plate-forme a explosé ces dernières années.
Aujourd’hui, la plupart d’entre nous avons le réflexe de vérifier le sérieux d’une marque en allant vérifier son compte sur instagram. D’où l’intérêt d’entretenir ses réseaux sociaux pour ne pas dérouter les visiteurs. Un joli compte instagram homogène et cohérent peut donner envie à vos prospects de s’abonner et les transformer en fan susceptibles de devenir vos clients un jour.
Pour ma part je ne suis pas très assidue sur facebook, mais je passe beaucoup de temps à entretenir mon feed sur instagram et à échanger avec ma communauté afin de rendre mon compte vivant et attractif.
Créer des documents professionnels
Afin d’impressionner vos clients et qu’ils soient plus sereins, vous pouvez anticiper leurs questions dans un document pdf tout prêt qui servirait de guide de bienvenue et qui réunirait toutes les informations dont vos clients ont besoin pour travailler avec vous (la façon dont vous voulez être rémunéré.e, vos horaires de travail, votre processus).
Imaginez la tête de votre client si vous parveniez avec seul document à lui boucler le bec en répondant à toutes ses questions ? Vous pouvez également présenter vos illustrations dans un pdf élégant dans lequel vous pourrez ajouter quelques informations afin de faciliter la vie de votre client.
3 | Faites semblant, et le reste suivra
Les anglo-saxons ont une expression bien trouvée pour résumer cet état d’esprit : Fake it until you make it.
Parfois on peut éprouver des complexes à réussir ce que l’on entreprend qui peuvent être liés à plusieurs facteurs : la façon dont on a été élevé, le milieu dans lequel on a grandi etc. Pour ma part venant d’une famille d’ostréiculteurs sur l’île d’Oléron, j’ai eu et j’ai toujours un mal fou à me sentir légitime en tant qu’illustratrice de mode.
Attention je ne renie pas du tout mes origines, j’adore ma famille et mon île, mais Paris et la mode sont à l’opposé de ce j’ai toujours connu dans mon enfance et j’ai pafois l’impression de ne pas être crédible. La priorité de mes parents a été de m’apprendre la valeur du travail et ils ont parfaitement réussi car j’ai travaillé tous les étés avec eux, et dès que j’ai eu 18 ans, j’ai commencé des petits boulots pour gagner mon argent de poche.
Le succès n’était pas au cœur de cet enseignement et j’ai eu bien du mal à me convaincre par la suite que j’étais capable de construire une carrière (en fait je suis encore dans le processus et écrire cet article est une sorte de mini-thérapie). Alors dans un premier temps j’ai fait semblant d’avoir confiance en moi et en mes capacités jusqu’à ce que les premières commandes sérieuses arrivent.
Des tarifs au prix du marché
Pour paraître crédible auprès de vos clients, vous devez appliquer les tarifs du marché et ce même si vous débutez à peine. Je sais que c’est difficile de trouver une idée des tarifs en vigueur lorsqu’on débute et d’établir ses premiers devis, c’est pourquoi j’ai écrit un article à ce sujet il y a quelques temps que vous pouvez relire mon article à ce sujet : DEVIS ILLUSTRATION – COMBIEN VENDRE SES DESSINS ?
Votre tarif pour une illustration se divise en 2 parties :
coût de la production + cession de droits = montant total de votre devis
Comme il n’y a pas véritablement de règle en vigueur pour établir une cession de droits (on parle aussi de droits d’utilisation), ça devient un véritable casse-tête à estimer notamment pour les projets de grande envergure. Vous pourrez cependant vous appuyer sur les exemples réels que je vous donne dans mon guide et sur le barème du journal officiel repris dans le kit de de survie du créatif.
Comme ce dernier n’est pas complet (par exemple il n’y a rien pour les packagings), je vous recommande de le croiser avec ce barème de droits d’auteur de la photographie de 2010 ou de commander le dernier barème en vigueur.
Mais en plus d’appliquer des tarifs réalistes, je vous recommande également de mettre en avant tous les projets sur lesquels vous avez déjà travaillé et les marques avec qui vous avez collaboré (même s’il y en a peu). Vous avez travaillé avec des marques reconnues ? Mettez-les en avant avec un bandeau sur votre site et vous verrez que vos clients seront beaucoup plus enclins à travailler avec vous en constatant que d’autres marques vous ont déjà fait confiance. C’est ce qu’on appelle la social proof ou preuve sociale en anglais et qui permet d’ influencer le jugement d’une personne et de jouer un rôle énorme dans la décision de passer à l’action.
Enfin et c’est la partie la plus compliquée de la relation client, la négociation. À vos débuts et c’est normal, vous aurez du mal à appréhender un projet dans sa globalité, et faire face à certaines demandes incongrues de vos clients. Malheureusement, comme il est question d’argent, vos clients pourraient profiter de ces failles pour en tirer profit et c’est pourquoi je vous conseille de privilégier les discussions par mail, et de ne surtout jamais vous engager sur quoique ce soit à l’oral.
En effet, une fois un tarif ou une deadline annoncée, impossible de faire marche arrière. Lors d’une rencontre physique ou d’un entretien téléphonique, ne vous avancez sur rien à l’oral et dites à votre client que vous reviendrez rapidement vers lui. Cela vous évitera d’agir dans la précipitation et de vous engager sur des conditions que vous pourriez regretter par la suite. De cette façon vous aurez le temps de bien réfléchir au tarif le plus juste pour vous et votre client et éviter ainsi toute frustration.
4 | Augmentez vos tarifs quand vous sentez que c’est le bon moment
Au cours de votre carrière, vous aurez sans doute des opportunités de travailler sur des projets et des supports totalement nouveaux. Par exemple, l’an dernier, une marque m’a demandé d’utiliser une de mes illustrations pour leur compte facebook pendant un mois. C’était une illustration personnelle dans laquelle j’avais représenté un produit, et la marque m’a contacté pour pouvoir l’utiliser.
Le problème c’est que je n’avais aucune idée des tarifs en vigueur pour ce genre de support. Les réseaux sociaux étant malgré tout des médias assez récents, aucun barème ne les prend en compte. Au culot j’ai donc demandé 500 € pour voir sachant qu’ils ne me proposaient aucune rémunération au départ mais uniquement l’autorisation de partager mon illustration sur leur compte facebook pendant 1 mois.
À ma grande surprise ma proposition à été acceptée ! Après cela je me suis dit que la prochaine fois je demanderai peut-être 600 €, qui sait peut-être que ça passera ? 🙂 Tout ça pour vous dire que lorsque vous vous sentez en position de force, vous pouvez tenter de tourner la situation à votre avantage afin d’augmenter vos tarifs.
Les tarifs d’un illustrateur débutant n’ont pas à être en dessous d’un illustrateur confirmé. Vous êtes un.e professionnel.le avant tout, et vous méritez que vos tarifs reflètent cela. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas toujours le manque d’expérience qui pousse le client à essayer de revoir votre devis à la baisse, mais plutôt les signaux que vous lui transmettez et qui lui permette d’ouvrir une brèche et d’en tirer profit.
En vous positionnant comme en tant que professionnel.le dès maintenant et en agissant comme tel (même si vous faites semblant d’avoir confiance en vous au départ !) vous serez davantage pris au sérieux par vos clients et ils vous respecteront davantage. Mais ne vous flagellez pas surtout, ça ne se fera peut-être pas en un jour mais en tout cas j’espère que cet article vous aidera à vous vous débarrasser de vos complexes d’illustrateur.trice débutant.e et d’aborder vos relations avec vos clients plus sereinement.
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The Comments
VoicivoilaFrance
Vous avez un tel talent aussi, ça ne m’étonne pas que vous réussissez…
elodie_2016
> VoicivoilaFranceMerci c’est très gentil mais j’ai beaucoup appris sur le tas aussi, quand je revois ce que j’aifait à mes débuts en 2010 j’ai envie de pleurer ^^
Chrystel
J’aiMe beaucoup vos articles. Pertinents, réalistes et toujours saupoudrés de positif !
elodie_2016
> ChrystelMerci beaucoup pour votre soutien !!! 🙂
Pas2mystères
Merci Elodie pour ces conseils très judicieux, c’est toujours un plaisir de vous lire.
elodie_2016
> Pas2mystèresMerci à toi de prendre le temps de me laisser un petit mot ! 🙂
Nade Illustrations
Merci beaucoup pour cet article ! Il existe un groupe de soutien sur facebook “Les Illustrateurs s’entraident” et ces questions reviennent très souvent ! Je leur ai partagé l’article 🙂
elodie_2016
> Nade IllustrationsAh merci pour l’info et le partage, je vais aller faire un tour sur ce groupe 😉
pohandco
Merci pour cet articles, encore une fois : d’une grande aide !!!
elodie_2016
> pohandcoMerci à toi de prendre le temps de m’ec un commentaire
Emma
Merci beaucoup pour tous ces articles Elodie, ça rassure un peu de voir quelqu’un partager son expérience et encourager les illustrateurs/trices débutant/es et c’est vraiment une aide précieuse !
elodie_2016
> EmmaMerci à toi pour ton petit mot 🙂
Kasia
Vous avez tout à fait raison. Il ne faut jamais déprécier ses qualités. Même (ou surtout) en tant que débutant. Merci beaucouo pour vos articles 🙂
Kiki
Ton site internet m’aide énormément, merci infiniment! C’est le plus clair et complet que j’ai pu trouver!!
elodie_2019
> Kiki🥰🥰🥰
MAYE LAMB
BONJOUR, je découvre tes conseils et je t’en remercie déjà.
A suivre, donc.
Maye Lamb